Roger Munier est né à Nancy le 21 décembre 1923. Il est le fils cadet d’une famille de trois enfants ; à sa naissance ses sœurs sont âgées de quinze et dix-huit ans. Ses parents sont originaires des Vosges. Son père, Camille Munier, est né à Xertigny le 21 décembre 1879. Sa mère, Marie-Berthe Saunier, est née à Harol le 9 mai 1886 ; elle est la fille d’un médecin de Xertigny. Le père de Roger Munier décède à Nancy en 1924.
En 1934, il débute ses études secondaires à Luxeuil-les-Bains, au Collège Saint-Colomban ; il apprend le latin, le grec et l’allemand.
Avoir 16 ans en 1940 : le premier carnet
En 1940 Il doit interrompre ses études pour raison de santé ; après une grave intervention chirurgicale à Lyon (greffe osseuse à la colonne vertébrale), il part en convalescence à Taulignan où il découvre la Provence. Il poursuit seul sa formation littéraire et religieuse, commence l’apprentissage de l’anglais et découvre à l’âge de dix-neuf ans la philosophie de Heidegger.
En 1944, il entre chez les Jésuites et étudiera la philosophie, la théologie et les Lettres dans différentes universités de l’Ordre. En 1949 il séjourne en Forêt Noire pour améliorer ses connaissances linguistiques et se rend le 14 août à Todtnauberg afin d’y rencontrer Heidegger qui l’accueille à la Hütte. Roger Munier rendra compte de ce premier échange dans un texte intitulé « Visite à Heidegger », publié dans les Cahiers du Sud (n° 312, 1952), puis dans « Todtnauberg 1949 », in Cahiers de l’Herne n°45 Heidegger. En 1950, il entreprend la traduction de la Lettre sur l’Humanisme qui sera publiée dans les Cahiers du Sud en 1953, puis chez Aubier Montaigne en 1957, nouvelle éd. revue 1964; repris dans Questions III, Gallimard.
En 1953, Après neuf ans d’études supérieures chez les Jésuites, Roger Munier renonce à être prêtre et quitte l’Ordre des Jésuites.
En 1954, il entre dans les organisations professionnelles de la sidérurgie (OTUA, Office technique pour l’utilisation de l’acier) où il accèdera à des postes de direction qui l’amèneront à voyager dans différents pays.
En 1955, Roger Munier rencontre Paul Celan qui lui dédicace Von Schwelle zu Schwelle; dorénavant il lira tous les livres de Celan en allemand dès leur parution. La même année Roger Munier organise, à la demande de Heidegger qui souhaite faire la connaissance de René Char lors de sa visite en France, une rencontre à Ménilmontant que Jean Beaufret appellera «L’entretien sous le marronnier» (René Char, Œuvres complètes p. 1169, La Pléiade). Y participent, outre J. Beaufret, Kostas Axelos et Roger Munier.
En marge du colloque à Cerisy-la-Salle « Qu’est-ce que la philosophie ? Autour de Martin Heidegger » dirigé par Jean Beaufret (27 août au 4 septembre), Jacques Lacan reçoit Heidegger chez lui à Guitrancourt. Kostas Axelos évoque la rencontre dans son entretien avec Dominique Janicaud (Heidegger en France II, Albin Michel, 2001).
En 1956, il épouse Enriqueta Ojeda Costa, née en Espagne, et surnommée Quéty; le jeune couple s’installe à Courbevoie. De leur union naîtront trois enfants.
En 1959, Roger Munier se rend pour la première fois au Japon dans le cadre de son travail. Il découvre l’anthologie de haïku de R.H. Blyth. De cette lecture provient son intérêt pour le Ch’an et sa future traduction des haïku. C’est aussi à cette date qu’il commence à tenir régulièrement des carnets.
En 1960, il écrit Contre l’image qui paraît en 1963 chez Gallimard. L’ouvrage aura un certain retentissement, notamment dans sa traduction en espagnol.
En 1964, Roger Munier et sa famille s’installent à Paris dans le XVe arrondissement.
En 1965 paraît sa traduction de L’Arc et la lyre d’Octavio Paz.
En 1968, il achève L’homme antérieur qui paraîtra sous le titre Le Seul suivi de D’un seul tenant chez Tchou en 1970 avec une préface de René Char. Le livre esquisse la double orientation de son œuvre : des essais de prose méditative et des recueils de fragments. Cette publication entraîne la naissance de relations amicales avec Cioran. Roger Munier rencontre également Jacques Masui, animateur de la revue Hermès et directeur de la collection « Documents spirituels » chez Fayard, auquel il succédera à la tête de la collection, devenue « L’espace intérieur ». La même année il publie Midi d’Orphée dans Le Nouveau Commerce, ouvrage dont il ne publiera la version définitive qu’en 1993 chez Lettres Vives.
En 1972, il publie «La Déchirure», commentaire de la Huitième Élégie de Duino de Rilke dans Le Nouveau Commerce. Il répond aussi à une enquête menée par Bernard Noël sur l’expérience, texte qu’il reprendra dans Le Contour, l’éclat en 1977.
En 1973, il publie son premier recueil, L’Instant, chez Gallimard. Il s’installe au Lyaumont au pied des Vosges et partagera pendant une vingtaine d’années sa vie entre son domicile parisien et Le Lyaumont.
En 1976 se poursuivent sa correspondance et des relations amicales avec Yves Bonnefoy auquel il consacrera plusieurs articles, notamment dans Le Monde et dans la revue Critique.
En 1977, il traduit un ensemble de haïku de l’anthologie de Blyth ainsi que Voces de Porchia.
En 1978, il écrit «La clairière et l’ombre», premier essai sur la poésie d’André Frénaud.
En 1979, il termine L’Ombre, ouvrage qui sera imprimé aux éditions de La Clairière mais ne sera pas diffusé en raison de la fermeture de la maison d’éditions. Une partie du livre sera ultérieurement publié chez Arfuyen sous le titre d’Exode.
En 1980, Roger Munier écrit L’ordre du jour et entreprend une lecture de «Génie» de Rimbaud. C’est le début d’un long cheminement avec l’œuvre rimbaldienne qui aboutira en 1993 à la publication chez José Corti de L’ardente patience d’Arthur Rimbaud.
En 1982, il publie son deuxième grand recueil chez Gallimard, Le Moins du monde. Il traduit Quinze poèmes de Juarroz et écrit «Le moment du thym» en hommage à Pierre-Albert Jourdan.
En 1983, il compose à partir de ses carnets et publie chez Lettres Vives Le Visiteur qui jamais ne vient.
En 1984, Jean Gabriel Cosculluela publie dans la collection «Lettre suit» la Lettre à personne sur la maladie de Roger Munier qui sera rééditée en 1986 au Nyctalope.
En 1985, il participe en janvier à Royaumont au colloque sur la traduction autour de Roberto Juarroz. Il publie Au demeurant à l’Atelier la Feugraie. Il fait également paraître sous couvert de l’anonymat La Corne de brume au Nyctalope mais ses lecteurs ont tôt fait de reconnaître son écriture.
En 1986, il traduit les Voix inédites de Porchia et se rend en octobre à Mexico où il prononce une conférence sur Rimbaud puis donne une lecture de fragments intitulée Cantata (Institut français d’Amérique latine). Il publie Femme et Eurydice et sa Lettre à personne sur la maladie est rééditée au Nyctalope.
En 1987, janvier et février, il revoit son ami Roberto Juarroz qui séjourne à Paris et traduit de nouveaux poèmes pour différentes revues. Il publie Mélancolie au Nyctalope et sa traduction de Sor Inés de la Cruz ou Les Pièges de la foi d’Octavio Paz paraît chez Gallimard. Le 26 novembre, il donne une conférence intitulée « Rimbaud ou le mal d’être » à Nîmes lors des Journées de poésie contemporaine.
En 1988, il publie «Génie» de Rimbaud aux éditions Traversière et Eden chez Arfuyen. Il écrit «À corps perdu», essai sur la danse, pour Raymond Gid.
En 1989, il publie Requiem chez Arfuyen et répond à l’enquête «Qu’est-ce qui donne du sens à votre vie ?» organisée par Rémy Hourcade et Bernard Noël.
Le 6 juin 1990, il donne une conférence intitulée «L’Exigence d’écrire» au séminaire de Roger Laporte au Collège International de Philosophie.
En janvier 1991, il participe à la rencontre avec Roberto Juarroz organisée par Michel Camus à Aix-en-Provence. Durant l’année il publie L’Apparence et l’apparition ainsi que Le Chant second chez Deyrolle. En mai la NRF consacre un numéro spécial (n° 460) à Roger Munier. À l’automne, il reprend l’écriture d’Orphée qu’il achève en février 1992. Les Fragments d’Héraclite traduits et commentés par Roger Munier sont publiés chez Fata Morgana.
En 1992 paraissent Stèle pour Heidegger chez Arfuyen, Tous feux éteints chez Lettres Vives, Proverbes à l’Atelier la Feugraie et Psaume furtif aux éditions Perpétuelles. En février, Roger Munier écrit Voir selon Hollan pour accompagner l’exposition des toiles d’Alexandre Hollan. En septembre, il prépare Exode à partir des textes en prose de L’Ombre; le livre paraît l’année suivante chez Arfuyen.
En 1993 les éditions Deyrolle publient Voir, recueil d’essais sur la peinture contemporaine et rééditent Le Seul. Arfuyen publie une traduction revue et augmentée de L’Errant chérubinique de Silesius. L’ardente patience d’Arthur Rimbaud, un épais volume sur l’expérience rimbaldienne, paraît chez José Corti. Un livre d’essais sur l’œuvre d’André Frénaud, L’Être et son poème, est publié chez Encre marine.
En 1994 paraissent Orphée chez Lettres Vives et Si j’habite chez Fata morgana. Roger Munier compose Dieu d’ombre pour Arfuyen.
En 1995 paraît le premier volume de l’Opus incertum, publication chronologique des carnets, chez Deyrolle. Roger Munier prépare le deuxième volume mais celui-ci ne sera publié que plus tard en raison du dépôt de bilan de l’éditeur, il paraîtra en 2001 sous le titre La chose et le nom chez Fata Morgana. En juin, il commence Éternité.
En mars 1996, Roger Munier compose Obscurément en hommage à Jean-Claude Renard. En juin, il entreprend un entretien écrit avec Chantal Colomb. La même année, Dieu d’ombre paraît chez Arfuyen et Éternité chez Fata morgana.
En janvier 1997, il écrit «Du fragment» et donne en mars une conférence sur ce sujet à la Maison des Écrivains de Paris. En juillet il subit une grave opération de la colonne vertébrale et reste un mois hospitalisé à Paris; une longue convalescence au Lyaumont sera nécessaire avant qu’il puisse reprendre ses activités. En novembre, il prépare Contre-jour à partir de ses carnets. Obscurément paraît chez Hors Jeu édition.
En 1998, Roger Munier est nommé Commandeur de l’Ordre des Arts et Lettres. En janvier, La Dimension d’inconnu suivie de Du Rien paraît chez José Corti. La Déchirure précédée de la traduction de la Huitième Élégie de Duino de Rilke est publiée chez Fata Morgana. À l’automne, Roger Munier apporte son témoignage à Dominique Janicaud pour son ouvrage Heidegger en France (II. Entretiens) qui sera publié chez Albin Michel en 2001.
En 1999, Contre-jour est publié à l’Atelier la Feugraie. Sauf-conduit, l’enjeu poétique, entretien avec Chantal Colomb, paraît chez Lettres Vives.
À partir de 2001, Roger Munier, en raison d’une santé fragile, ne quitte plus sa résidence du Lyaumont. Francis Pourkat lui rend visite pour la préparation d’un numéro de la revue L’Animal. La Chose et le nom (Opus incertum II) paraît chez Fata morgana.
En 2002, les éditions Gallimard publient Opus incertum 1984-1986. Le 30 novembre, Chantal Colomb soutient une thèse à l’université de Paris X-Nanterre sur Roger Munier en sa présence. Une version remaniée sera publiée en 2004 sous le titre « Roger Munier et la topologie de l’être » aux éditions de L’Harmattan.
En 2003, la revue Europe consacre un dossier à Roger Munier à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire et Gallimard publie L’Extase nue.
En 2004, Roger Munier publie Adam chez Arfuyen et Nada chez Fata morgana.
En 2005, Gallimard publie Le Su et l’insu (tome IV de l’Opus incertum).
En 2006, Poésie paraît aux éditions Polyphile. Le 16 décembre, Sébastien Hoët soutient une thèse sur Roger Munier intitulée « La critique de la subjectivité dans l’œuvre de Roger Munier » à l’université de Paris VIII-Vincennes Saint-Denis. Voir extrait Une histoire du rien
En septembre 2007 et janvier 2008, Patrick Zeyen réalise le film Roger Munier, le Visiteur. Les Eaux profondes (Opus incertum V) paraissent chez Arfuyen.
Du 3 au 5 avril 2008 se tient à l’Université Jean-Moulin-Lyon III le premier colloque international consacré à Roger Munier.
En 2009 paraît Pour un psaume aux éditions Arfuyen.
En juin 2010 paraît L’Aube aux éditions Rehauts.
Le 10 août 2010, Roger Munier décède à l’hôpital de Vesoul. Ses obsèques ont lieu le 13 août en l’église de Xertigny. Il est inhumé au cimetière de Xertigny.
Une chronologie détaillée, comportant notamment des précisions sur les dates de composition des différents textes et ouvrages de Roger Munier, a été publiée dans le Cahier Roger Munier aux éditions Le Temps qu’il fait (p. 247-258).